Cornelius Castoriadis et Claude Lefort : l’expérience démocratique

Colloque organisé par le laboratoire Sophiapol, Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, sous la responsabilité de Nicolas Poirier Mardi 15, mercredi 16 et jeudi 17 octobre 2013

 Ainsi, aussi bien chez Castoriadis que chez Lefort, le critique de la domination bureaucratique est-elle inséparable d’un même souci accordé à l’exigence démocratique, et sur un plan plus théorique, d’une commune volonté de repenser la politique à rebours des diverses formes de réductionnisme qui dominaient le monde intellectuel au sortir des années 1960, qu’il s’agisse de la sociologie de la domination d’inspiration wébérienne, avec Bourdieu notamment, ou du marxisme de tendance structuraliste et fonctionnaliste. Mais encore faut-il se garder d’interpréter cette convergence en omettant de signaler les nombreux points de divergences qui interdisent de interdisent de rabattre une exigence commune sur un même substrat, aussi bien politique que théorique : que l’on cherche à redonner sa place à une pensée de la politique, irréductible à une simple euphémisation d’intérêts matériels de rapports de domination, ne signifie pas que l’on reconnaisse nécessairement dans la politique une seule et même essence.

Ainsi la volonté de repenser la « chair » du social au-delà de la stricte fonctionnalité sur laquelle s’organisent les sociétés, et la consistance propre aux « choses » politiques irréductibles à des travestissements idéologiques dont il s’agirait de faire la généalogie, débouchera sur des analyses foncièrement différentes chez les deux penseurs, pour ne pas dire antagonistes : Castoriadis n’acceptera ainsi jamais l’idée d’une division originaire du social, et il objectera à Lefort que la caractérisation du pouvoir démocratique comme lieu vide fait l’impasse sur l’effectivité des politiques déterminées dans un sens oligarchique. Inversement, Lefort marquera toujours ses distances avec l’idée de la démocratie conçue comme une forme de régime qui pourrait s’incarner dans des institutions bien définies, l’institutionnalisation de l’agir démocratique sous forme de démocratie directe risquant de conduire au rêve mortifère d’une société cherchant à s’incarner en passant outre la distinction du réel et du symbolique, et en éliminant de la sorte la condition sans laquelle il n’y a pas de liberté politique.

Il semble qu’un des points notables du désaccord entre Castoriadis et Lefort, au-delà du problème de l’organisation politique, qui a été l’un des motifs centraux de la rupture entre les deux penseurs à la fin des années 1950, tient à la conception qu’ils se font de la démocratie et du statut qu’ils accordent au pouvoir politique. Il y a chez eux une façon très différente de poser la question de la loi, qui implique de concevoir d’une manière fort divergente le rapport que la société entretient à elle-même : si, pour Castoriadis, la réflexivité inhérente à l’institution démocratique doit être pensée dans la perspective de l’autonomie, un peuple ne pouvant être libre que s’il obéit à la loi qu’il s’est lui-même donnée, la réflexivité politique doit au contraire se penser d’après Lefort comme avènement de la liberté à partir d’un nouage entre dehors et dedans, où puisse s’articuler la mise en question de la loi dans l’horizon d’une hétéronomie indépassable.

Ce colloque cherche précisément à faire ressortir les différences d’approche entre une pensée de la démocratie comme auto-institution explicite de la société et une conception de l’agir démocratique soucieuse de mettre avant tout l’accent sur le fait du conflit et de la division sociale, l’objet de l’agir démocratique consistant davantage pour Lefort à contester le pouvoir, en revendiquant contre lui des droits, qu’à chercher à en démocratiser l’exercice effectif comme le soutient Castoriadis.

Mardi 15 octobre 2013

salle D201b, bâtiment D

Après-midi

Présidence : Nicolas Poirier

14h – Jean-Louis Fabiani : « qu’est-ce qu’une pratique philosophique minoritaire ? ».

14h30 – Robert Legros : « La critique du relativisme généralisé d’après Lefort et Castoriadis ».

15h – Pauline Colonna d’Istria : « A l’ombre du politique : un certain usage de la psychanalyse »

15h30 – Baptiste Calmejane : « Fin de la philosophie ? Fin de la démocratie ? Conformisme, privatisation, hétéronomie ».

16h-17h – Discussion.

Mercredi 16 octobre 2013

salle D 201b, bâtiment D

Matinée

Présidence : Stéphane Haber

10h – Judith Revel : « L’expérience politique de Socialisme ou Barbarie (1949-1958) : Lefort avant Lefort ».

10h30 – Nicolas Poirier : « La division sociale : Lefort lecteur de Machiavel ».

11h – Nicolas Piqué : « Castoriadis et Lefort, les raisons d’un désaccord ».

11h30-12h15 : Discussion.

Après-midi

Présidence : Christian Laval

14h – Philippe Caumières : « Le sens de la démocratie ».

14h30 – Antoine Chollet : « Entre le peuple-Un et le dèmos : figures du peuple chez Lefort et Chez Castoriadis.

15h – Fabien Delmotte : « La question de la révolution française »

15h30-16h15 – Discussion.

Jeudi 17 octobre 2013

salle desconseils à la maison de l’archéologie et de l’ethnologie.

Matinée

Présidence : Martine Lemire

10h – Cécile Vaissé : « Claude Lefort et l’Urss ».

10h30 – Patrick Massa : « Socialisme ou Barbarie devant la question de la mobilité sociale. »

11h – Serge Audier : « Que reste-t-il de l’antitotalitarisme de gauche ? »

11h30-12h15 – Discussion

Après-midi

Présidence : Alain Caillé

14h – Aurélie Ledoux : « La critique du capitalisme chez Castoriadis et Lefort ».

14h30 – Jean-Claude Monod :

15h – Bruno Bernardi : « Sur le concept d’auto-institution de la société ».

15h30-16h15 – Discussion

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