Une société à la dérive

SALD
 
Extrait du texte "Réponse à Richard Rorty"
Je voudrais commencer par dire mon embarras d’avoir à répondre à l’exposé de Richard Rorty. D’abord parce que j’ai beaucoup d’affection pour lui tout en étant en total désaccord avec ce qu’il dit, ce qui n’est pas une position facile. D’autre part, je ne me reconnais absolument pas dans ce « nous » royal, ou ce « nous » d’autoflagellation qu’il utilise dans son exposé pour qualifier les intellectuels – et ceux qui connaissent un peu ce que j’ai écrit comprendront ce que je veux dire. Troisièmement et surtout, parce que son exposé, derrière une apparente bonhomie, remet tout en cause, soulève une foule de questions, avec des présupposés sur ce qu’est la philosophie ou l’histoire de l’humanité qu’il n’était évidemment pas question pour lui d’argumenter sérieusement en trois quarts d’heure – il n’y a d’ailleurs pas de fondation possible dans ce genre de discussion –, mais qui renvoient à ce qu’il a écrit par ailleurs. Ça n’aurait guère d’intérêt que je lui réponde par une série symétrique d’affirmations s’appuyant sur ce que j’ai déjà dit et écrit : l’auditoire n’y trouverait que la pure opposition de deux séries de thèses. J’ai donc préféré centrer mon intervention sur quelques points qui me semblent, comme on dit, stratégiques ou qui, peut-être, ont particulièrement irrité ma sensibilité politico-philosophique.

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